Avant de partir de Java, il y avait une chose que j’avais
vraiment envie de faire, une dernière randonnée qui me tenait vraiment à cœur,
l’ascension du Gunung Lawu, un volcan
situe à la frontière entre Java Centre et Java Ouest. Ce projet avait été un
peu retarde à cause de mon accident de scooter, et c’est donc début juin
seulement que je suis partie avec ma coloc japonaise escalader cette montagne
de 3065 mètres -seulement 1400 mètres à
grimper réellement, avec un sentier bien tracé pour une fois.
Quelques heures de train/bus sont nécessaires depuis Jogja
pour arriver jusqu’au point de départ, où nous avons rencontré un guide, Mbah Harsono,
qui a accepté de nous emmener jusqu’au sommet. Un sacré personnage, javanais
jusqu’au bout des dents (qu’il avait presque toutes perdues, pas facile de
comprendre son indonésien a l’accent javanais bien prononce, ponctue de grands éclats
de rires), toujours la grande forme à 60 ans, après une vie passée à secourir
les victimes des catastrophes naturelles, nombreuses en Indonésie (tsunami
d’Aceh, éruption du Gunung Merapi,
tremblement de terre de Jogja…).
A défaut de soleil, une mer de nuages |
Comme toujours en Indonésie, nous avons commencé
l’ascension de nuit, afin d’assister le lendemain matin au lever du soleil. Des
le départ, la montagne dégage une atmosphère très particulière, comme si l’héritage
historique et mystique du volcan avait imprégné la végétation, les pierres, et
adressait un message particulier aux visiteurs de passage. La légende du Gunung Lawu raconte que quand le royaume
de Majapahit se convertit à la
religion musulmane sous l’impulsion du fils du roi, ce dernier décida de
quitter son royaume et d’avoir une vie d’ermite, installé sur les flancs du Gunung Lawu. Encore aujourd’hui,
plusieurs centaines de « pèlerins » javanais, adeptes du Kejawen, la religion traditionnelle javanaise, se rendent sur cette montagne sacrée,
en quête de renouveau spirituel et d’endroits dédiés à la méditation. De fait, la
route pavée (du moins au début), qui date de l’époque hindo-bouddhiste de Java,
chemine jusqu’au sommet en passant par de nombreux emplacements destinés au
recueillement, dans le calme et la sérénité
de la montagne.
La végétation est différente, sûrement du fait de la différence de température |
Nous sommes chanceux car nous marchons sous la pleine lune,
qui éclaire le paysage, des grands arbres éparpillés dans des vallées presque argentées
sous les rayons de lune. C’est le froid qui nous empêche de nous attarder et
nous arrache à notre contemplation, il fait peut-être entre zéro et cinq degrés,
un véritable choc thermique après 9 mois à 35°c, et nous claquons des dents en
concert sous la tente que nous avons montée pour nous reposer quelques heures.
Notre sacré guide, et Aki, ma coloc |
La dernière partie de la marche est la plus difficile, un sentier
un peu raide et surtout exposé au vent, qui souffle très fort sur les crêtes,
comme si le volcan nous imposait une dernière épreuve avant de nous laisse
approcher son sommet. Enfin, nous atteignons vers 4h30 le minuscule refuge que le
guide a lui-même bâti l’année dernière, et nous nous reposons en attendant le
soleil (et la chaleur qui va avec !).
La frontière entre Java Centre et Java Est |
Une fois le jour levé, bol de nouilles et sommet expédiés,
nous décidons sur les conseils de notre guide de prendre un sentier alternatif qui
doit nous mener près de temples hindous splendides, difficiles d’accès et donc
peu visités. Mal (ou bien ?) nous en prit, c’est dans un raidillon
boueux et accidenté que nous sommes engagés, pour huit heures. Descente épique
donc, nous nous imaginions déjà rester dans la forêt, tant nos jambes ne
pouvaient plus nous soutenir –j’ai fait la dernière heure à moitié sur les
fesses, quand enfin nous atteignons le camp de base n° 1, situé juste à côté du premier temple …
La forêt des brumes où venait se recueillir Sukarno, premier président de l'Indonésie |
Ce temple en pierres, très simple, est certainement l’un
des plus beaux endroits que j’ai vu en Indonésie, un lieu saisissant, caché au
milieu des arbres, qui semble contenir toute la sagesse javanaise entre ses
murs. Un endroit qui incite à s’arrêter, à prendre le temps de s’asseoir pour
réfléchir, poussé par la quiétude rassurante, l'harmonie que dégagent temples et forêt. Pas besoin d'être hindou pour pouvoir prier dans les temples, et assurément, les personnes se retirant
ici pour quelques jours (ou quelques mois ?) doivent connaître des moments
de belle solitude.
Vestiges de l'hindouisme javanais, 15ème siècle |
De notre côté, nous ne somme plus seuls, nous avons au
contraire droit à une escorte royale, notre guide ayant appelé son équipe de
secouristes pour venir nous chercher à l’arrivée, loin de tout transports publics.
Nous rentrons donc dans le « tank » de fonction, gyrophares allumés
pour atteindre plus rapidement l’arrêt où nous devons attraper le dernier bus avant
la nuit pour Jogja.
Sanctuaire hindou près du Candi Cetho |
Je n’avais encore jamais expérimenté cet état de fatigue et
plénitude extrême, dû aux 16 heures de marche et à la beauté intacte des lieux,
qui paraissent avoir été désertés après le départ des hindous javanais, il y
a quelques siècles. Un endroit magique, dans tous les sens du terme, qui
appelle à revenir (en privilégiant cette fois ci l’option courte !).